Je me suis longtemps demandé pourquoi le 2ème dimanche ordinaire de l’année était celui où la liturgie nous invite à proclamer les Noces de Cana. L’évangéliste saint Jean est le seul qui propose à notre méditation cette manifestation de Jésus. Les deux autres manifestations que sont la visite des Mages à l’Epiphanie et le Baptême dans les eaux du Jourdain sont des fêtes solennisées quasi égales à la solennité de la Nativité.
Personnellement j’y vois une invitation à vivre de manière extraordinaire tous les dimanches ordinaires de l’année ! C’est une invitation à ne pas sombrer dans le « ronron » de la pratique dominicale le reste de l’année pour faire de chaque dimanche une fête de la rencontre de Dieu avec nous.
Les noces sont des moments joyeux, des parenthèses dans la grisaille du quotidien. Jésus, l’Homme-Dieu est venu dans notre monde pour nous inviter à vivre avec lui et son Père une relation sponsale. La première lecture est sur ce point éclairante. Elle nous invite à cette joie des Noces avec Dieu : « Cette terre se nommera l’épousée, comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de Dieu. »
La première manifestation du ministère public de Jésus est celle des Noces. Jésus est l’Epoux, il vient à la rencontre de l’humanité toute entière. Tout cela se passe à Cana en Galilée, carrefour des nations. Jésus n’y est pas seul ; il est accompagné des premiers disciples qui ne vont pas en croire leurs yeux. De l’eau pour les purifications rituelles transformées en vin, et pas en piquette mais en grand cru classé ! Et pour parfaire le tout, ce vin extraordinaire va couler à flot ! Six cents litres… c’est plus qu’il n’en faut pour faire sombrer dans un coma éthylique une noce de cent personnes !
Comme Jésus n’a jamais rien fait au hasard, quelle est la signification de cette première « transsubstantiation » ? Cette transformation de l’eau changée en vin nous projette trois ans plus tard au moment de la première cène. Jésus transforme en son sang le vin du repas pascal, et pas uniquement pour les disciples qui sont là autour de lui mais pour la multitude. « Faites ceci en mémoire de moi »
A Cana, il y quelqu’un de discret et d’attentif, de délicat et d’efficace. Vous l’avez reconnue, c’est la Vierge Marie. Elle est observatrice, elle voit que dans quelques instants cela va être la panique parmi les invités. « Il fait soif ! » et il n’y a plus rien dans les jarres.
Alors Marie s’adresse à son fils Jésus sans lui dire « vite, il faut que tu fasses quelque chose », non elle dit simplement ils n’ont plus de vin ! Et le dialogue court et surprenant entre la mère et le fils est immédiatement suivi d’effets ! Littéralement Jésus dit à sa mère : Qu’y a-t-il entre toi et moi, femme ? Mon heure n’est pas encore venue ». L’auteur de la traduction des évangiles à partir des manuscrits syriaques du 2ème siècle propose en note l’interprétation suivante :« En quoi cela nous concerne-t-il toi et moi ? »
Marie ne prend pas ombrage de cette réponse mais elle s’adresse aux serviteurs en leur disant simplement : « Ce qu’il vous dira, faites-le »
Nous avons entendu à l’instant la suite de ce passage de l’évangile. Nous savons que Jésus s’adresse aux serviteurs et qu’il n’y a pas de grand tour de passe-passe. Jésus n’est pas un illusionniste, ce n’est pas un magicien. Seuls les serviteurs sont aux courants et les disciples autour de Marie. Le maître du repas – le traiteur de l’époque – les mariés, tous ignorent d’où vient ce vin ! Les serviteurs eux savent, les disciples également. Leur foi en Jésus commence à s’éclairer. Ils ont encore du chemin à faire pour être ceux qu’ils deviendront après la résurrection !
Et nous aujourd’hui, quel enseignement pouvons-nous retirer ici à Chambord en 2025 pour approfondir notre foi en Jésus Fils de Dieu ?
D’abord qu’il faut nous remettre sans cesse à l’écoute de Marie et l’entendre nous dire à temps et à contre-temps « Ce qu’il vous dira faites-le »
Comme serviteur les uns et les autres ou plus exactement les uns des autres à faire les gestes que nous invitent à faire pour transformer l’eau parfois polluée de nos purifications en vin nouveau !