Il m’arrive de temps en temps de me dire que les apôtres ont eu de la chance de voir Jésus, de manger, boire, parler, marcher, prier avec Lui. Ce n’est pas comme nous. Il nous faut croire sans voir.

            Ah ! si seulement nous avions pu voir Jésus, ne serait-ce qu’une fois, nous n’aurions pas les doutes que nous avons maintenant. Il nous croire sans voir ! Que de fois j’ai entendu ce genre de réflexion… Personne n’est exempt de la tentation du doute. Que celui qui n’a jamais eu le moindre petit doute me jette ses certitudes au visage ! Tous à un moment ou un autre de notre vie de foi nous entrons dans cette logique du « il faut voir pour croire ».

            Mais personnellement chaque fois que le doute m’effleure, quelques passages de l’Evangile me consolent, comme celui-d ’aujourd’hui, de la faiblesse de ma foi, et en même temps, ils me stimulent. Car s’il suffisait de voir pour croire, aucun parmi les onze n’aurait douté.

            Voilà onze hommes qui ont passé trois années de leur vie en étant quotidiennement avec Jésus. Il leur a expliqué les Ecritures, c’est-à dire qu’il leur a enseigné ce qu’il faut croire et comment croire. Ils ont vu les miracles avant l’arrestation, et le supplice de la croix. Ils l’ont vu vivant après sa résurrection, et soudain quelques-uns au moment de la séparation sont pris d’un dernier doute. Est-ce bien lui le Messie qui va venir pour restaurer la royauté en Israël ? Et si tout cela n’était qu’un beau rêve, un mirage, une illusion collective.

            Et Jésus, au lieu de se désespérer de la faiblesse humaine, va, avant de disparaître à leur regard, leur confier sa grande mission : annoncer la Bonne Nouvelle du Salut au monde entier. Aller dire aux hommes et aux femmes de tous temps, sous toutes les latitudes que Dieu les aime, qu’ils ont de la valeur à ses yeux… Car bien entendu en s’adressant aux apôtres, c’est à nous aussi qu’il s’adresse et confie la même mission.  

            Mais Jésus l’a promis, il ne nous laisse pas seul pour nous débrouiller avec nos doutes, nos difficultés à croire. Avec nos périodes de dépression, nos éloignements, nos manques de fidélité. Jésus nous a donné l’Esprit Saint. Ainsi, il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Tous les jours, à chaque instant de notre vie, il se tient à la porte de notre cœur. Il est là et il frappe à travers les multiples événements de nos existences. Il attend discrètement que nous lui disions joyeusement « entre Seigneur. »

            C’est cela la grâce de l’Ascension. Jésus n’est plus là, il n’est plus visible, on ne peut plus mettre la main sur lui, on ne se l’approprie pas, on ne le réduit pas à être la propriété d’un petit groupe d’initiés. Il n’est plus là physiquement, il n’est plus localisable dans un petit coin de notre terre mais c’est précisément pour pouvoir être partout présent disponible à chacun des huit milliards d’êtres humains. Comment comprendre cela sans la force de son Esprit Saint et le partage de son Eucharistie.

            L’Eucharistie avec les six autres sacrements de l’Eglise, nous donne aujourd’hui accès à la vie de Jésus. Ils nous font entrer dans l’intimité de Dieu. Cela n’est pas réservé à une petite élite. Tous nous pouvons venir y puiser le soutien, la force qu’il nous a promis avant son départ pour le ciel. Et surtout, nous avons reçu l’Esprit Saint le jour de notre baptême et de notre confirmation. Ce même Esprit que nous allons célébrer à la Pentecôte est en chacun de nous pour nous diviniser.

 Un Père de l’Église, Saint Athanase aux environs de 325 dans un traité sur l’Incarnation du Verbe de Dieu, écrira : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » Si cela n’est pas une bonne nouvelle qui mérite d’être propagée, je ne sais pas ce que c’est !

Au lieu de nous chamailler entre chrétiens sur des questions de rites liturgiques, de messe en latin ou en français, de liturgie face ou dos au peuple, méditons pendant ce temps qui nous sépare de la Pentecôte sur la puissance de l’Esprit Saint que nous empêchons d’agir chaque fois que nous lui refusons de prendre toute la place dans nos vies.  Car ce Dieu qui peut sembler si lointain à certain, s’est rendu proche par son fils Jésus venu se faire l’un de nous. Il est monté au ciel pour nous attirer. L’Ascension, c’est le mystère de notre divinisation. C’est Dieu qui nous attire à Lui.

            Alors frères et sœurs, si dans vos cœurs et dans vos esprits c’est un peu plus le brouillard et la grisaille que la pleine clarté, soyez sereins, tout chrétien grandit dans sa foi en acceptant les doutes sans s’y enfermer. Ils sont gages de progrès spirituel à condition de ne pas culpabiliser.

Laissons l’Esprit nous conduire. Il nous mène vers Dieu notre Père qui nous veut vivant avec Lui pour l’éternité.