« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’Homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle »
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de serpent de bronze dont nous parle le livre des Nombres dans la première lecture de la fête de ce jour de la Croix glorieuse ? Les Hébreux sont dans le désert en proie à mille et une difficultés, la soif, la fin, la chaleur le jour, le froid la nuit et encore bien d’autres désagréments. Pour couronner le tout, il y a ces fameux serpents à la morsure douloureuse et mortelle. Alors forcément ça commence à faire beaucoup et ils râlent, ils rouspètent, ils s’en prennent à Dieu et à Moïse.
Celui-ci leur dit de la part de Dieu, faites, comme les habitants des territoires que nous traversons, quand vous serez mordus, regardez avec confiance et avec foi le serpent de bronze élevé sur le mât pour être guéri…. Mais, retenons bien ceci, ce n’est pas le serpent qui vous guérira, c’est Dieu lui-même ! Autrement dit, il faut avoir la foi. Mais pas en n’importe qui, ni en n’importe quoi, ni n’importe comment. Toute votre foi, toute votre espérance doit être dirigée vers le Dieu unique maître du Ciel et de la Terre qui vous a fait sortir du pays d’esclavage.
Car honnêtement, peut-on croire que quelqu’un ait vraiment sauvé sa vie en regardant simplement une image de serpent ? Personnellement j’en doute ! Je pense plutôt que le rédacteur de cette histoire., l’utilisait pour se moquer du peuple d’Israël — comme Dieu se moque d’autres pratiques étrangères comme par exemple les idoles de bois « Elles ont des oreilles et n’entendent pas, des yeux et de voient pas, une bouche et ne parlent pas, des pieds et ne marchent pas ! » ( Psaume 135) Ouvrage de mains humaines, elles n’apportent rien. En fait, seul Dieu est en mesure d’apporter le salut à Israël, quel que soit le moyen utilisé
Il est évident que Moïse n’a pas fait ce mat pour qu’on le vénère, comme une idole. Il l’a dressé pour bien montrer ce dont les hommes souffrent. Savoir ce dont nous souffrons, c’est déjà pour une part s’en libérer.
Le serpent c’est une image de tout ce qui cause la ruine de l’homme, ce qui le conduit à la mort, ce qui l’abîme. Il est vrai que nous avons bien du mal à faire le partage entre ce qui nous fait du bien et ce qui nous fait du mal. La force du mal, c’est qu’il est sournois, on ne le voit pas trop bien, il se faufile, insaisissable. L’image du serpent, de ce point de vue est très parlante. Savoir où est en nous le mal, c’est déjà pour une part commencer à le vaincre. Quand après un scanner on découvre une tumeur on peut envisager le traitement approprié. Faire un effort de lucidité sur nos conversions nécessaires, venir à la lumière, c’est le scanner de la vie spirituelle qui permet de commencer à guérir.
Mais alors, pourquoi Jésus dit-il : « ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé » ? Le serpent, symbole du mal, ce n’est évidemment pas le cas du Christ ! Cependant on peut comprendre que regarder le Christ en croix, c’est regarder avec lucidité ce qui est la ruine de l’homme. Tuer Dieu, nier Dieu, le caricaturer, le crucifier, c’est blesser l’homme. Mais il faut aller plus loin.
Quand on compare le texte qui raconte cette histoire du serpent de bronze avec le texte de l’évangile, nous trouvons une différence dans le vocabulaire. Dans le livre des Nombres, le serpent est fixé sur un mat, dans l’évangile, le verbe utilisé est « élevé », il faut que le Fils de l’homme soit élevé. Mais élever au sens de glorifier. C’est donc de sa résurrection dont parle Jésus. Ce n’est plus sur l’image de notre mal qu’il faut fixer notre regard, même si l’effort de lucidité reste nécessaire. C’est sur la vie offerte du Christ en Croix qu’il nous faut porter notre regard.
C’est croire au Christ ressuscité qui nous sauve, croire que la mort est vaincue. Et c’est parce que nous regardons la vie que nous rejetterons ce qui va à la mort. C’est parce que nous regardons la bonté de Dieu que nous aurons la force de nous convertir. C’est parce que nous regardons Dieu qui est vie que nous vivrons.
Essayons durant cette semaine de prendre quelques minutes pour regarder le Crucifix en disant « Seigneur Jésus sauve-moi, Je crois que par Amour pour moi tu as été élevé sur cette Croix »