Lorsque j’ai lu et relu ce passage d’Isaïe pour vous en parler ce matin, j’ai pensé à ce slogan entendu et dit moi-même dans ma jeunesse : « Ce soir on rase gratis… c’est le matin du grand soir qui vient… » C’est un peu ce que l’on pense quand on lit sous la plume du prophète « c’est la vengeance qui vient … » Si nous pensons cela, nous ne connaissons pas vraiment les mœurs de Dieu !
La pire vengeance dont Dieu est capable, c’est de nous aimer à la folie malgré nos crachats sur son visage, nos insultes face à sa tendresse, nos reniements, nos trahisons !’ N’en déplaise à Karl Marx qui nous serinait que la religion est l’opium du peuple ! Ben voyons… nous constatons tous les jours à travers le vaste monde où cela nous conduit ! Un témoignage sera plus explicite qu’un long discours. Je le puise dans l’histoire d’une jeune juive de 27 ans de la dernière guerre mondiale, Etty Hillesum une jeune femme juive de 27 ans, passionnée par la vie, au risque d’user celle-ci « jusqu’à la corde ».
Son journal, publié sous le titre « Une vie bouleversée » s’ouvre sur sa rencontre avec le psychologue juif allemand Julius Spier (1887-1942
.A ceux qui, lui demandent où se cache Dieu dans le drame que vivent les juifs, elle répond qu’un tel chaos est le fait des hommes. Dieu est bien impuissant. Et elle écrit dans on journal « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. »
Au temps de Jésus, il n’y avait pas de réseaux sociaux mais le bouche à oreille était certainement aussi efficace.
Marc nous décrit sommairement comme il sait le faire, un Jésus en train de guérir un malade. Et Dieu sait combien il en a guéri ! Prenez donc le temps d’ouvrir l’Evangile de Marc et en le parcourant comptez le nombre de miracles que l’évangéliste nous rapporte…
Voyez-vous, le risque avec ce genre de récit c’est que nous nous focalisions sur le merveilleux, l’extraordinaire en ne voyant pas la fine pointe du message qui est délivré à travers cette guérison. Jésus prend alors le soin de recommander que personne ne le sache… « de n’en rien dire à personne ».
Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement Jésus demande à ces disciples, à ces Apôtres, de ne pas en rester à une observation superficielle de l’événement, à ne pas mettre en avant le côté merveilleux extraordinaire, de ce qu’il vient d’accomplir. Il leur demande de comprendre quelle est sa mission.
Est-ce que cela nous concerne aujourd’hui ici, ce matin à Chambord, que nous soyons de passage ou fidèles de cette église saint Louis ? ? Mais bien évidemment. Jésus désire nous guérir tous, de notre cécité, de notre surdité, de nos paralysies, de nos mutismes.
Jésus n’a pas fait de grands soliloques incantatoires, comme en font les charlatans, les magiciens. Il a fait des gestes visibles, concrets, et alors : « Les oreilles s’ouvrirent, et sa langue se délia et il parlait correctement… » Ainsi s’accomplit la prophétie d’Isaïe : « le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie ». Jésus est venu pour cela.
Mais dites- moi, est-ce qu’il n’y a pas en chacun de nous un sourd et muet qui s’ignore ? Est-ce qu’il n’y a pas en chacun de nous une langue incapable de communiquer avec ses frères ? Est-ce qu’il n’y a pas en chacun de nous un cœur imperméable à la grâce, incapable de parler à Dieu et de communiquer avec les autres ?
« Ecoute mon fils »…C’est le début de la Règle de Saint Benoit ! Avant de parler commençons par écouter… ! Écouter la Parole de Dieu. Ecouter les besoins de nos frères humains. Il me semble que l’Evangile de ce jour nous invite à demander à Jésus de nous guérir de nos enfermements.
Ce qui est vrai, déjà, de nos relations humaines, est multiplié à l’infini dans nos relations avec Dieu. Pour écouter Dieu, nous sommes terriblement sourds. Pour proclamer la Parole de Dieu, nous restons souvent muets… Jésus, lui, est l’homme ouvert aux autres. Alors que scribes, pharisiens, esséniens et sadducéens élèvent des barrières pour s’isoler des pécheurs et des publicains, des païens et des Samaritains, Jésus, lui, recherche le contact avec tous. L’évangile d’aujourd’hui nous le montre en Phénicie et en Décapole, à l’aise partout, et mettant tout le monde à l’aise. Il est le Maître qui sait écouter. Il est l’Ami qui sait parler. Alors que Satan est fermé à tout et ferme l’homme en lui-même, Jésus brise ce monde clos d’un mot : « Effata, Ouvre-toi ! » Il nous ouvre à Dieu et aux autres, et peut-être aussi à nous-mêmes !
Dans l’ancien rituel du baptême, le prêtre touchait les oreilles et les lèvres du baptisé en disant « Effata » ouvre-toi. . Les sacrements sont dans ce droit fil : rencontrer Dieu réellement passe par les oreilles, par la langue, par les yeux, par les signes sacramentels.
Prions ensemble ce matin durant cette eucharistie pour que Jésus nous guérisse, et disons-lui : « touche nos oreilles, nous entendrons, souffle sur nos lèvres nous parlerons… »