La liturgie de ce dimanche ordinaire nous fait découvrir un petit prophète, Amos. C’est un paysan qui, vers 750 avant J.C., vient du sud du pays, il n’a pas fait de longues études pour devenir porte-parole de Dieu. C’est un rural, qui n’est pas pour autant un ignorant ! Amos est derrière ses bœufs lorsque l’appel de Dieu retentit à « l’oreille de son cœur ». Un appel si pressant qu’il est difficile de résister.
Le prêtre Amazias, lui, ne l’entend pas de la même oreille. Il veut le faire déguerpir. Allez, retourne au cul de tes vaches, on ne veut pas de toi ici ! Mais on ne peut pas résister à Dieu. Amos ne se taira pas. Choisir un porte-parole (c’est cela un prophète) chez les garçons de ferme ne vous viendrait certainement pas à l’idée. L’Ancien Testament fourmille pourtant d’appels surprenants, l’histoire de l’Eglise aussi. Et dans nos propres vies n’y a-t-il pas parfois des appels de Dieu qui bousculent notre confort, nos certitudes, notre chemin semblant tracé d’avance ? Dieu excelle à bousculer nos plans préétablis surtout lorsque nous les faisons sans Lui !
Jésus, fait tout ce qu’il voit faire à son Père, il agit comme Lui. Il ne choisit pas les douze Apôtres parmi les scribes ou les docteurs. Ces gens-là ont des diplômes, ils connaissent la Loi, ils savent l’interpréter les Ecritures avec leur intelligence mais hélas pas souvent avec le cœur ! Jésus comme son Père appelle des personnes quelconques, des hommes simples sur lesquels nos cabinets de recrutement d’aujourd’hui n’auraient pas parié un kopeck. Rendez-vous compte, il va même jusqu’à prendre comme chef de ce groupe des douze, un patron pêcheur, Simon-Pierre. Savait-il même lire et écrire ? Pas sûr ! Mais ce n’est pas pour autant un ignorant. Il connaît les Ecritures comme tout bon juif. C’est lui qui sera le chef de fil de ces hommes qu’il envoie en mission deux par deux avant même qu’ils aient fait six ans de séminaire !
Cependant, en les envoyant dans les villes et villages, le Seigneur Jésus ne les laisse partir seul. Il leur enjoint d’aller deux par deux. Sécurité oblige ! L’annonce de la Parole nécessite précautions et discernement…Bien plus il leur commande même de partir en n’emportant que le strict minimum : « L’essentiel n’est pas dans ce que vous avez mais dans ce que vous êtes et ce que vous dites. »
Le Pèlerin qui fait son sac pour partir sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle ou sur celui d’Assises, sait pertinemment qu’il doit voyager léger. Même en emportant le strict nécessaire on en prend toujours trop ! Il faut se résigner à abandonner ce que l’on croyait indispensable. Nombreux sont ceux qui sont contraints après les premières étapes de faire du tri dans leurs affaires pour ne conserver que l’essentiel. J’en ai vu passer ici à Chambord et qui ont abandonné faute d’avoir voulu se délester !
Belle leçon pour notre vie chrétienne, notre vie spirituelle ! Pour suivre le Christ et annoncer l’Evangile à nos frères les hommes de ce temps, il n’est pas nécessaire d’avoir un doctorat en théologie, une maîtrise en exégèse, une licence en droit canonique. Non, si tout cela est utile et bon, c’est rarement ce qui ouvre les oreilles du cœur de l’homme !
Plus que jamais nous devons, contre vents et marées, annoncer l’Evangile, rien que l’Evangile, mais tout l ’Evangile contre les idéologies destructrices de l’humanité. Nous devons proposer avec calme et sérénité, l’Amour, la Paix, la Joie de l’Evangile. Sans prêchi-prêcha. Ce qui posera question et engagera nos frères sur un chemin de la conversion, c’est la cohérence de notre comportement, de nos attitudes avec notre foi chrétienne.
La seule chose indispensable à notre salut et d’être nous-mêmes imprégnés de l’Evangile. Un Evangile ruminé, comme le répéter le père Jacques Loew, à longueur de jours, de semaines, d’années. Un Evangile annoncé à ce monde en recherche de repères. Un Evangile qui nous fait transpirer de joie, une joie communicative.
Frères et sœurs que nous arrivera-t-il quand nous ferons le grand saut dans les bras du Père ? Le jour où nous quitterons cette terre ? Je suis sûr qu’ il ne nous sera pas demandé d’égrener la liste de nos diplômes, de nos titres et de nos médailles. Il ne nous sera pas demandé de présenter notre compte en banque, notre portefeuille d’actions. Il ne nous sera pas demandé notre position hiérarchique ni notre place dans l’échelle sociale. Il nous demandera tout simplement « As-tu aimé et est-ce que tu t’es laissé aimer ? » Frères et sœurs, dans l’esprit de la Règle de saint Benoît que nous fêtions jeudi, méditons cette citation d’un poème de Patrice de la Tour du Pin. « Dépouillez-vous quand vous mourrez, vous perdrez tout ! »