Il y a eu bien des épidémies meurtrières, la peste pour ne citer que celles qui viennent immédiatement à l’esprit lorsque l’on parle des fléaux qui ont décimés des populations entières, Ebola, le Sida, le Covid 19 et bien d’autres encore. La lèpre hélas n’est pas encore éradiquée de la planète et dans certaines régions dites sous développées, elle fait encore des ravages. Un nouveau cas de lèpre dans le monde toutes les deux minutes selon l’OMS dont maintenant tout le monde a entendu parler ! Elle s’attaque d’abord à la peau puis aux nerfs et finit par des paralysies et mutilations des membres ainsi que des atteintes oculaires pouvant aller jusqu’à la cécité. La transmission se fait par la salive et probablement par les contacts cutanés répétés et prolongés.
Dans la Bible, elle apparait comme le plus terrible fléau et le plus mystérieux aussi. Le livre du Lévitique lui consacre deux chapitres entiers. Le législateur s’est surtout préoccupé de détecter les symptômes, non pas pour soigner le mal, ce dont ils étaient bien incapables à l’époque, mais pour exclure le malade de la communauté dont il met en danger la sainteté. Plus qu’un confinement c’est purement et simplement une exclusion, une excommunication !
Plus qu’une maladie, pour les Hébreux, elle est une impureté dont le péché est à l’origine. C’est donc un châtiment divin. Terrible est la condition du lépreux dans l’antiquité. Déclaré impur, il se retire à l’écart pour se lamenter sur lui-même, attendant la mort dans d’atroces souffrances physiques, morales, psychologiques. Plus de relations humaines ni de consolations religieuses. Avec les siècles, quelques adoucissements seront bien introduits. Mais il faudra l’arrivée de Jésus pour voir traiter le lépreux comme un frère aimé. Bien plus. Jésus se fera l’un d’eux, « …méprisé, abandonné de tous, homme des douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne…frappé de Dieu et humilié » (Isaïe 3,3-4).
Le récit que l’Evangile nous offre mérite que nous prenions le temps de le méditer. Devant ce malheureux, qui enfreint les prescriptions légales pour s’approcher, risquant d’être lapidé s’il est vu par les pharisiens, les scribes ou les docteurs de la Loi, il vient confiant vers Jésus. Marc note que Jésus a un regard de compassion. « Pris de pitié », écrit-il. Quelle puissance d’accueil chez lui ! Rien ne le rebute, rien ne le dégoûte, rien ne l’effraie. Si Dieu s’est enfoui dans la pâte humaine, s’il s’est fait proche de la chair putréfiée et du cœur pourri, c’est pour les irradier de sa sainteté, les épurer de son incandescente pureté. D’un côté une foi qui ose le tout pour le tout. « Si tu le veux tu peux me purifier » De l’autre Jésus qui ose davantage encore avec ce geste scandaleux de toucher de sa main l’intouchable. Et il lui dit : « Je veux, sois purifié ».
Derrière la simplicité des mots de Marc, sachons deviner l’abîme de l’Incarnation du Fils de Dieu, l’Humanité de Jésus porteuse de vie divine. Il est le Grand Sacrement de la rencontre de Dieu et de l’homme, dont tous les autres sacrements tirent leur efficacité.
Dieu parle et il touche. Dieu dit et il fait. Vous n’êtes peut-être jamais allé visiter la Chapelle Sixtine mais vous avez tous vu des représentations de la fresque du plafond peinte par Michel Ange. La main de Dieu, communique à celle de l’homme l’étincelle de la vie. Parce que Nous sommes tous des « morts-vivants » auxquels Dieu insuffle la purification divine. L’humanité du Seigneur Jésus nous touche, nous atteint physiquement.
Le récit de l’Evangile de Marc pourrait s’arrêter là, mais il rebondit. Jésus renvoie l’homme, et même quand on traduit de près le texte grec, il faut lire : « l’ayant rudoyé, il le jette dehors ». Curieux comme réaction ! Il agit comme il le fait avec les démons… comme s’il voulait imposer silence aux démons. Il enjoint rudement au miraculé de se taire. ‘Ne dis rien à personne.
Pourquoi cette attitude déroutante ? Peut-être craint-il l’enthousiasme irréfléchi des foules, qui ne verrait en lui qu’un thaumaturge, un faiseur de miracles, bref un médecin guérisseur génial.Mais je pense qu’il faut aller plus loin dans notre méditationcar Jésus ajoute : « va te montrer au prêtre ». Jésus n’est pas « venu pour abolir la Loi mais pour l’accomplir » et Lui seul est l’unique grand prêtre. Il accomplit tout ce qu’avaient annoncé les prophètes et c’est les cœurs qu’il veut ouvrir à sa miséricorde.
Notre péché personnel est la lèpre dont nous sommes tous atteints. Si nous voulons être libéré de cette maladie mortelle qui peut exclure de la Vie Eternelle, si nous voulons être guéri comme le lépreux il nous faut adopter la même attitude que lui et oser s’approcher de Jésus en lui disant si tu le veux, tu peux me guérir. Sans craindre d’être rejeté par Dieu, comme saint Thérèse de l’Enfant Jésus nous pouvons dire avec certitude : « Si j’avais commis tous les crimes possibles je garderais la même confiance, car je sais bien que cette multitude d’offenses n’est qu’une goutte d’eau dans un brasier d’amour »