« Serviteur ». C’est le mot qui a « fait tilt » lorsque j’ai lu les textes de la Parole de ce 29ème dimanche.
« Venire ut serviam » « Je suis venu pour servir » C’était la devise de Monseigneur Louis Robin, évêque de Blois de 1946 à 1961. Elle était inscrite sur son blason qui trônait au-dessus de la salle des professeurs du petit séminaire de Blois où j’ai fait une partie de mes études secondaires. Nous passions devant, en rang et en silence plusieurs fois par jour, pour nous rendre au réfectoire, au dortoir, en salle de cours, à la chapelle. Alors forcément, qu’on le veuille ou non, cela finit par laisser des traces.
Que signifie donc « servir » ? Quand on se souvient de la manière dont les évêques étaient considérés comme des « Seigneurs » que l’on servait avec déférence – d’ailleurs on les appelle toujours « Monseigneur » ! – alors on est en droit de s’interroger, le serviteur dans l’église ne serait-il que cela ?
Il me semble qu’il y a un décalage avec l’Evangile de ce jour et certains de nos comportements ecclésiaux. Cléricaux serait un terme plus adapté ! ! Je n’incrimine pas que les évêques, les cardinaux et autres princes de l’église. Les prêtres simples dont je fais partie peuvent balayer devant leur propre presbytère ! Je me souviens d’une femme d’un âge canonique avancé qui me rapportait l’enfance de sa grand-mère, petite servante de six ou sept ans chez un curé de campagne à la fin du 19ème siècle. Elle était employée pour garder la vache du curé. Elle avait droit le matin au reste du bol de lait du curé et le dimanche au bol de chocolat quand il en avait assez ! Élogieux n’est-ce pas ? Vous me direz qu’il y eut également d’autres comportements comme celui par exemple du Père Brottier originaire de notre diocèse. Heureusement !
Et aujourd’hui ?
En fin de compte nous ressemblons étrangement aux deux apôtres Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Que veulent-ils ? Se faire servir… Ils veulent des places d’honneur dans le Royaume de Jésus, rien de moins. Cela ne vous fait penser à rien ? Ne dirait-on pas aujourd’hui qu’ils briguent des portefeuilles ministériels…Oui ils veulent être ministres ! Et pas n’importe quels ministères ! Les deux premiers ministères soufflés à la barbe des onze autres !
Et bien regardons de plus près l’étymologie du mot serviteur…en grec, langue qui a été utilisée dès l’origine pour écrire les évangiles, retenons trois mots. « ebed » que l’on traduit par esclave, serviteur, homme qui sert…autre mot, « doulos » que l’on traduit par esclave, et « diakonos » que l’on a traduit par diacre, qui signifie serviteur ou intendant, ou encore domestique ! Passant du grec au latin, langue de la vulgate de saint Jérôme, qui sera la langue de l’Église, le serviteur aura une connotation liturgique au sens de servant ! Mais ce qui est le plus intéressant c’est que le « serviteur » se traduira également par « minister -tri» qui a donné « ministre ».
Il m’a semblé intéressant pour nous ce matin de faire ce petit détour sur l’origine du mot serviteur pour bien comprendre que, au long des siècles, le sens du mot a évolué mais à l’origine, lorsque Jésus s’identifie au serviteur souffrant du prophète Isaïe, il n’a pas l’intention d’être celui qui s’entoure de « larbins » ! Il nous veut à sa suite. Que nous l’imitions sans limite !
Alors, siéger à droite et à gauche de Jésus, oui, mais c’est réservé aux deux truands crucifiés avec lui sur la croix ! C’est cela les deux places de choix. Réjouissant n’est-ce pas ! A vue purement humaine c’est une folie !
Alors, est-ce qu’il s’agit lorsque l’on s’engage à la suite du Christ de rêver de puissance, de richesse, d’honneurs, de pouvoir, au sens ou l’exerce le monde ? Je ne pense pas. L’Eglise ne devrait pas calquer sa manière de gouverner sur celle du monde. Un ministre dans l’église est bel et bien un serviteur de ses frères, de la communauté chrétienne et non un petit potentat. Il n’y a pas de place pour les puissants de ce monde, a fortiori pour les despotes, les dictateurs, ceux qui confisquent tous les pouvoirs.
Il faut en permanence nous rappeler les uns aux autres que nous avons à nous convertir et à croire à l’Evangile comme on nous le rappelle chaque année à l’entrée du Carême, la célébration des cendres. Nous ne sommes les uns et les autres que des pauvres avec nos faiblesses, nos limites. C’est cela être serviteur